20 AVRIL 2016 PAR GREENUNIVERS
Le long feuilleton sur l’annulation de l’arrêté tarifaire éolien de 2008 n’est pas terminé… Par un arrêt du 15 avril 2016 (n°393721, Ass. Vent de Colère et autres), le Conseil d’Etat a prononcé une astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai de six mois suivant la notification de l’arrêté, à l’encontre de l’Etat, s’il ne justifie pas avoir procédé à la récupération des intérêts des aides d’Etat accordées en application de l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité éolienne. L’analyse de Mounir Meddeb, avocat au Barreau de Paris et fondateur d’Energie-legal, cabinet d’avocats dédié au secteur de l’énergie.
- Contexte
Cet arrêt trouve son origine dans le recours des mêmes requérants qui a donné lieu à l’arrêt du 15 mai 2012 (Ass. Vent de Colère et autres, n°324852) par lequel le Conseil d’Etat a renvoyé une question préjudicielle à la Cours de justice de l’Union européenne, laquelle, par un arrêt du 19 décembre 2013 (C‑262/12), a conclu dans le sens de la qualification d’aide d’Etat.
Dès lors, par un arrêt du 28 mai 2014, le Conseil d’Etat a considéré que le tarif d’achat éolien constituait une aide d’État et a par conséquent annulé l’arrêté du 17 novembre 2008 complété par l’arrêté du 23 décembre 2008 dans la mesure où ils n’ont pas été préalablement notifiés à la Commission européenne.
Dans la mesure où par décision du 27 mars 2014, la Commission européenne a jugé ces aides compatibles avec le marché intérieur, le Conseil d’Etat a estimé donc que seuls les intérêts de ces aides devront être récupérés.
- Quelles suites ?
Cet arrêt implique pour l’Etat :
- de déterminer chaque bénéficiaire du tarif d’achat éolien pendant toute la période d’illégalité, soit du 17 novembre 2008 jusqu’à la décision de la Commission européenne du 27 mars 2014 ;
- de calculer la fraction des montants versés au titre du tarif d’achat ayant le caractère d’aide d’Etat, c’est-à-dire uniquement la fraction supérieure au prix du marché et non le montant total versé au titre du tarif d’achat ;
- de calculer, en application du règlement n°794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 et notamment les articles 9 et suivants, les intérêts que chaque bénéficiaire aurait acquittés s’il avait dû emprunter ces montants sur le marché ;
- d’émettre des titres de recettes dans le cadre de la récupération des montants correspondant à ces intérêts.
Pour ce qui concerne le premier point, il n’est pas contestable que les bénéficiaires de l’aide sont les producteurs éoliens disposant d’un parc implanté sur le territoire français. Toutefois, en cas de cession du parc, un débat aura lieu sur le fait de savoir qui du vendeur ou de l’acquéreur sera redevable du remboursement. Compte tenu du modèle d’activité d’un parc éolien et de la continuité totale d’exploitation, il est probable que l’acquéreur serait redevable du remboursement (Trib. UE, 13 septembre 2010, République Hellénique c./ Commission, T-415/05 et Trib. UE, 28 mars 2012, Ryanair c./ Commission, T-123/09).
Pour ce qui concerne la fraction devant être considérée comme aide d’Etat, en application de la décision de la Commission européenne susvisée, le montant devrait être égal à la différence entre le niveau de tarif versé et le prix de marché ou le coût évité.
Compte tenu du nombre de bénéficiaires potentiels, de la relative complexité du calcul du montant précis d’intérêts et des procédures d’exécution qui seraient requises pour récupérer les sommes dues, l’arrêté du 15 avril 2016 ne devrait pas être le clap de fin du contentieux suscité par l’absence de notification de l’arrêté éolien du 17 juin 2008.
Très attendue, la position du ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer devra apporter les précisions quant aux suites pratiques qu’il entend donner à cet arrêt.
Cela est d’autant plus nécessaire que la filière photovoltaïque devrait s’attendre à connaître dans les mois à venir au moins les mêmes péripéties.