Énergies : la fin des illusions

Coup d’arrêt aux éoliennes marines et à la baisse du nucléaire

En renonçant à l’objectif de ramener la part du nucléaire de 75 à 50% en 2025, Nicolas Hulot a confirmé l’incohérence de la loi de transition énergétique de 2016, en qualifiant à juste titre cet objectif d’«utopique, irréaliste et mensonger». Avec ses nouvelles critiques, visant cette fois-ci les centrales éoliennes marines décidées par ses prédécesseurs, c’est un second tabou qui est mis en cause.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sera mise en débat le 19 mars par la Commission nationale du débat public (CNDP). Pour que les Français y adhèrent, le réalisme et la transparence doivent s’imposer cette fois-ci sur trois sujets : faisabilité, coûts pour les consommateurs et impacts sur leur vie quotidienne.

Depuis des décennies, le coût de production d’un mégawatt-heure d’électricité est stable, entre 35 à 70 euros pour les méthodes classiques (charbon, gaz, pétrole, hydraulique, nucléaire). Sur le marché libre, le prix moyen sur un an est d’environ 45 euros.

Photovoltaïque intégré au bâtiment

Au palmarès des erreurs de stratégie, le plan « photovoltaïque sur les toitures des bâtiments » lancé au Grenelle de l’environnement de 2008 constitue le premier fiasco majeur. Avec ses garanties d’achat à 400 euros par MWh, l’engouement des particuliers et des investisseurs pour ce cadeau inespéré fut extraordinaire. A tel point que le gouvernement dut l’arrêter brutalement face à l’explosion du coût pour les autres consommateurs, laissant sans solution de nombreux projets déjà déposés. Des années plus tard, le coût de cette mesure représente encore une part significative de la surtaxe sur l’électricité dite « contribution énergie renouvelable (CSPE) ». Le plan initial n’a créé aucune industrie française des panneaux photovoltaïques et son abandon surprise a beaucoup perturbé les artisans lancés sur cette activité de pose..

Centrales éoliennes marines

En 2012 puis 2014, l’enthousiasme des responsables politiques et de la quasi-totalité des ONG traitant de l’énergie ou du climat s’est porté sur l’éolien marin le long des côtes. Sans aucune recherche ni  essai, 6 centrales géantes ont été lancées de 60 éoliennes de 200 mètres de haut chacune, et les gouvernements ont accepté des coûts de 200 à 220 euros par MWh.  Résultat : 1) en 2018, aucune entreprise française n’est plus sur ce marché ; 2) avant de l’abandonner, AREVA et Alstom ont perdu des centaines de millions d’euros ; 3) en 2018, le gouvernement et Nicolas Hulot réalisent que le surcoût de ces centrales pour les consommateurs (40 milliards d’euros sur vingt ans) est inacceptable et font passer un amendement l’autorisant soit à renégocier ces coûts, soit à abandonner ces projets moyennant de très fortes pénalités.

Avertissement

Les coûts annoncés par MWh des différentes méthodes de production doivent être pris avec précaution, en fonction de leur adaptation aux besoins. Une production aléatoire (ex. éolien, solaire) est beaucoup moins utile donc beaucoup moins valorisée qu’une production disponible à la demande (ex. centrales hydrauliques de chute d’eau, au gaz ou nucléaires).  Le coût de production des énergies aléatoires doit être multiplié par un facteur de conversion en fonction de leurs caractéristiques. Typiquement, du point de vue disponibilité, le photovoltaïque qui produit en France surtout en été, est moins efficace qu’au Sahel et moins efficace que l’éolien. Faute de marché libre, ce facteur n’est pas clairement connu : il varie de 1,3 à 2,0 selon les études en tenant compte de l’utilité de la production et des moyens de secours nécessaires. Ce facteur sera beaucoup plus faible le jour où des méthodes efficaces de stockage de l’électricité seront disponibles.

Hydroliennes marines

Le même enthousiasme s’est manifesté ensuite pour les hydroliennes marines ou fluviales, et le lancement de centrales importantes a été annoncé avant la fin des essais. Un objectif de 5 à 6 GW pour 2025/2030 (soit l’équivalent en puissance de 5 à 6 réacteurs nucléaires) a été fixé, malgré des coûts de production encore plus élevés que ceux des éoliennes marines (en France de 325 à 1.509 euros par MWh). Il ne sera pas du tout atteint. En novembre 2017, l’abandon par les industriels DCNS/Naval-EDF des essais de l’hydrolienne pour la centrale de Bréhat-Paimpol semble avoir refroidi l’enthousiasme. Les promoteurs des éoliennes marines et fluviales disent s’orienter désormais vers des marchés extérieurs, où, pour diverses raisons, les autres modes de production ne seraient pas adaptés.

Éoliennes marines flottantes

Ces éoliennes constituent une alternative aux éoliennes actuelles reposant sur un pylône au fond de la mer. Des essais sont en cours avec des coûts de production plus élevés que ceux des éoliennes marines classiques. Ce n’est pas forcément anormal pour des prototypes, à condition de ne pas lancer de production massive avant la conclusion des expérimentations et des recherches initiales.

Méthanisation

La méthanisation vantée encore au salon de l’agriculture comme une solution miracle est en réalité prise dans en ensemble de contradictions. Avec la technique actuelle, les méthaniseurs consomment soit du blé, du maïs ou de la betterave à sucre, comme en Allemagne, soit surtout des déchets d’élevage, la paille des céréales et des déchets alimentaires comme en principe en France. Les premiers sont assez efficaces mais leur utilisation de ressources alimentaires pour se chauffer peut choquer ; les seconds sont peu efficaces. Tous sont subventionnés, deux fois en France, d’abord de 45 à 65% au niveau de l’investissement,  puis au niveau de l’achat de leur production. En France le MWh leur est acheté entre 155 et 175 euros par MWh.Tant que des progrès technologiques décisifs ne sont pas réalisés, les méthaniseurs constituent surtout un moyen détourné de subventionner certains agriculteurs en dehors des règles de la PAC.

Conclusion

En France, les coûts des deux technologies les plus classiques, éolien terrestre et solaire, ne sont pas encore compétitifs avec les méthodes classiques de production. Elles ne le seront pas d’ici longtemps si on en juge par les réponses aux derniers appels d’offres pour l’éolien terrestre qui proposent des coûts de 65-67 euros par MWh, garantis pour la période 2022-2042, et indexés sur le coût du travail.

Pour toutes les technologies, ce qui semble anormal, c’est que des industriels aussi puissants qu’EDF, Bouygues, Engie, Siemens, aient besoin de garanties de prix élevés et de subventions pour se lancer dans des projets de quelques dizaines de millions ou de quelques millions d’euros. Une prudence inquiétante qui fait douter de leur confiance dans l’avenir de ces technologies.

Seule la recherche fondamentale et appliquée sera en mesure de résoudre le problème de la disponibilité de l’énergie à des coûts acceptables pour tous, en France et dans le monde, sans oublier les problèmes de pollution. Pas le déploiement massif de technologies obsolètes, comme le prouvent les six centrales marines dont la réalisation coûterait des dizaines de milliards d’euros aux consommateurs, et dont l’abandon ou la renégociation coûteraient aussi plusieurs milliards de pénalités.

Source : iFRAP