COLLECTIF DES ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES DES CÔTES DE PENTHIEVRE ET D’EMERAUDE
Le 27 avril 2016
OBJET : UNESCO GREEN CITIZENS
Monsieur le Délégué,
Des huit projets retenus par UNESCO GREEN CITIZENS, l’un d’entre eux, en France, « S’ENGAGER DANS UNE PÊCHE DURABLE EN BRETAGNE », met à l’honneur l’engagement des pêcheurs de la Baie de Saint-Brieuc à une pratique contraignante de pêche durable de la coquille Saint-Jacques.
Ils sont présentés tels des « éclaireurs du changement », de « bons citoyens de la planète », ce qui est mérité.
En effet, les restrictions qu’ils se sont imposés pour
- lutter contre la surexploitation de cette ressource,
- protéger la biodiversité vitale à la pérennisation de la coquille Saint-Jacques
se sont traduites par le respect de mesures drastiques dépendant des quotas de pêche préconisés chaque année par Ifremer après évaluation de la biomasse exploitable.
Nos associations environnementales locales de la Côte de Penthièvre et de la Côte d’Emeraude (côte Est de la Baie de Saint-Brieuc) sont très vigilantes à tout ce qui pourrait contrarier, remettre en cause « le capital que constitue la coquille Saint-Jacques dans notre région », et qui participe aux richesses naturelles de la plus grande réserve naturelle bretonne.
Ce n’est pas sans raison que la Baie de Saint-Brieuc est dotée de nombreux statuts de protection :
- Six Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF)
- Une Zone d’Importance Communautaire (ZICO)
- Une Zone de Protection Spéciale au titre de la Directive Oiseaux (ZPS)
- Une Réserve Naturelle Nationale
- Deux Zones Natura 2000 dont 1034 ha en domaine maritime
Un nouveau projet de protection et de conservation, le Grand Site Cap d’Erquy – Cap Fréhel est en cours d’élaboration avec pour but l’optimisation de la préservation et la valorisation du patrimoine paysager, naturel et culturel.
Pour des raisons identiques, un projet de Parc Naturel Régional couvrant toute la côte de Cancale au Cap Fréhel est en cours.
Et, à l’initiative du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, un parc naturel marin, le Golfe Normand-Breton, est à l’étude pour répondre à des enjeux d’amélioration de la connaissance, de protection du milieu marin et de développement durable des activités maritimes.
OR,
Un gigantesque projet éolien en mer (62 éoliennes de 216 mètres de haut implantées sur 75 km2) est envisagé dans la Baie de Saint-Brieuc :
►en limite des zones Natura 2000
►sur des espaces remarquables au titre de la Loi Littoral, sur des espaces naturels sensibles départementaux (qui comptent 9 habitats d’intérêts communautaire, 4 habitats OSPAR, 5 espèces d’intérêt communautaire, 9 espèces OSPAR)
►devant le Cap Fréhel classé Zone de Protection Spéciale et intégré au réseau des sites Natura 2000 pour « la qualité de ses landes littorales, sa richesse biologique, sa réserve ornithologique, son milieu témoin et de référence »
►devant le Cap d’Erquy, site naturel protégé, intégré au réseau des sites Natura 2000 pour sa « remarquable falaise de grès rose… la plus belle et la plus intéressante de Bretatgne », pour « la beauté du Cap et son caractère esthétique, l’un des paysages bretons les plus remarquables », son intérêt scientifique et biologique, ses vestiges archéologiques et historiques
►devant deux sites classés au titre des monuments historiques : le Fort Lalatte et les phares du Cap Fréhel.
L’implantation de ce parc éolien, qui menace de destruction la biodiversité et des paysages remarquables protégés, apparaît contraire aux engagements nationaux et internationaux pris par la France (notamment, la convention Paysage ratifiée en 2006), comme aux recommandations de l’Unesco sur l’équilibre qui doit exister entre le développement des parcs éoliens et la protection du patrimoine.
A ce titre, le gisement de coquilles Saint-Jacques est aussi menacé …
►CONCERNANT LA COQUILLE SAINT-JACQUES
Les études d’impact menées par les industriels de l’éolien en charge des installations sont considérées par l’Autorité Environnementale désignée par le Ministère de l’Ecologie comme insuffisantes ou partielles.
Elle déplore ainsi :
– que le développement de l’énergie éolienne offshore n’ait pas été accompagné de l’effort de recherche et d’évaluation environnementale approprié ;
– que l’Etat Français n’ait pas donné un poids plus important aux critères environnementaux et paysagers dans les appels à projet afin de mieux répondre aux exigences de la protection des habitats et des espèce, particulièrement celles relevant de Natura 2000 et la protection des paysages ;
– qu’il existe un déficit d’évaluation des impacts induits par la préparation des fonds marins à la mise en place des fondations.
Et pourtant à notre niveau national, nous ne sommes pas démunis de précautions législatives !
En droit, l’article L122-1- alinéa 1 (modifié par l’ordonnance n°2014-1345 du 6 novembre 2014 – art. 5) dispose que les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact.
Son alinéa 2 précise que lorsque ces projets concourent à la réalisation d’un même programme de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l’étude d’impact doit porter sur l’ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l’étude d’impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l’ensemble du programme. Lorsque les travaux sont réalisés par des maîtres d’ouvrage différents, ceux-ci peuvent demander à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement de préciser les autres projets du programme, dans le cadre des dispositions de l’article L. 122-1-2.
Pourtant, personne ne nie les effets dévastateurs de la réalisation de ce projet surtout pendant la phase de construction (évaluée approximativement à trois années) et sur les dégâts induits par les travaux probablement sur une longue période.
Ainsi dès 2012, suite au rendu des groupes de travail mis en place pour analyser les impacts dans la baie de Saint-Brieuc, la Chambre de Commerce et d’Industrie des Côtes d’Armor, en charge notamment de la gestion de la pêche dans la Baie de Saint-Brieuc déclarait au sujet de l’impact sur les fonds marins : « c’est sans doute l’impact environnemental le plus préoccupant ».
Parallèlement et sans faire de lien avec ce projet industriel, des campagnes de recherches, telle COMANCHE, sont initiées notamment par IFREMER (Institut Français de Recherche Pour l’Exploitation de la Mer), prenant en compte l’importance de la coquille Saint-Jacques pour les flottilles de la Manche, avec pour objectif d’améliorer la connaissance et contribuer à l’exploitation durable de la ressource.
Le projet éolien réduira à néant les efforts menés tant par les chercheurs que les professionnels de la pêche en Manche, notamment en baie de Saint-Brieuc.
Monsieur le Président, nous voulons croire que vous accorderez toute l’attention que mérite l’examen de la problématique environnementale lourde qui nous est posée, que vous prendrez en compte nos réflexions et nos inquiétudes exprimées avec l’objectivité qu’impose l’interpellation de votre haute instance au regard de l’enjeu à la fois environnemental, économique et social qui nous est soumis.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Délégué, à notre parfaite considération.
Pour nos associations,
Marie-Paule ALLAIN
- Association pour la qualité de la vie à Pléneuf-Val-André
- Association de Défense des Sites de Lancieux et de la Baie de la Beaussais
- Association Fréhel Environnement
- Association le Cercle des Amis de Saint-Briac et de la Côte d’Emeraude
- Association Erquy Environnement (APSEE)
- Association Bien Vivre A Plurien
- Fédération des Associations et des Usagers des bassins versants de la Rance et du Frémur