VOS DROITS
(édition 2018)
Lorsque vous êtes confrontés à des expositions aux pesticides agricoles du fait d’épandages de vos voisins, il faut avoir en tête un certain nombre d’informations. Ainsi avant d’engager toute démarche ou action, il faut savoir que plusieurs lois encadrent l’usage des pesticides agricoles même si elles sont trop souvent ignorées ou peu respectées.
Nous allons ici nous concentrer sur ce que qui touche particulièrement l’utilisation des pesticides. Il est important d’avoir en tête que ce qui encadre la mise sur le marché et l’utilisation de ces produits est régi au niveau européen par ce que l’on appelle le « paquet pesticides », à savoir la Directive 2009/128/CE sur l’utilisation des pesticides et le Règlement 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dans lequel il est stipulé notamment à l’Article 14
Sont considérées comme vulnérables, les personnes nécessitant une attention particulière dans le contexte de l’évaluation des effets aigus et chroniques des produits phytopharmaceutiques sur la santé.
Font partie de ces groupes :
- les femmes enceintes et les femmes allaitantes,
- les enfants à naître,
- les nourrissons et les enfants,
- les personnes âgées
- les travailleurs
- et habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme. »
Voici les précautions que doivent prendre les agriculteurs avant tout épandage de pesticides :
Force du vent
Selon l’arrêté du 4 mai 2017 (qui a remplacé l’arrêté du 12 septembre 2006), l’agriculteur doit prendre des mesures de précaution au moment des épandages :
1. « Quelle que soit l’évolution des conditions météorologiques durant l’utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. »
2. « Les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d’intensité inférieur ou égal à 3 sur l’échelle de Beaufort. » (Le seuil de 3 est dépassé lorsque vous pouvez voir les feuillages bouger à l’œil nu).
Tableau de l’échelle de Beaufort appliqué aux possibilités de traitements phytosanitaires
Zone sans traitement
L’arrêté de 2017 interdit la pulvérisation à moins de 5 mètres des cours d’eau visibles sur une carte au 1/25 000 mais rien pour les populations riveraines.
À noter cependant qu’en fonction du type de produit épandu, il peut être spécifié dans les Autorisations de mise sur le marché (AMM) du produit une zone sans traitement de 5 à 20 m à respecter près des habitations mais cela nécessite de connaître le nom du ou des produits épandus pour vérifier si cette ZNT est respectée.
En outre, si on épluche un peu les AMM, on peut rapidement constater que cette préconisation n’est quasiment jamais proposée.
Est-ce que la distance aura un effet sur mon niveau d’exposition ?
Sans surprise, nous avons publié un rapport qui montre que plus on s’éloigne de la zone traitée (au-delà de 50 m) plus le risque d’avoir des résidus de pesticides sur des zones non ciblées diminue.
De même, des études que nous avons menées montrent leur présence dans les maisons et les cheveux (voir ici et ici ) des riverains et donc confirment la dispersion des produits épandus au-delà de la zone concernée.
En outre, depuis 2018, Santé publique France entreprend des études d’exposition des riverains. Ces études considèrent les personnes vivant à 8 km des zones d’épandages comme non exposées.
Trois recours déposés devant le Conseil d’État
Avec certains de nos partenaires, nous avons engagé en novembre 2017 trois recours au Conseil d’État contre l’arrêté de mai 2017 sur l’utilisation des pesticides pour demander son annulation et sa réécriture afin qu’il soit plus protecteur vis-à-vis des populations et de l’environnement. À l’heure actuelle, nous attendons toujours le mémoire du ministère de l’Agriculture.
Nom des produits épandus
Puis-je connaître le nom du ou des produits épandus ? Selon une décision de la Cour européenne de justice, l’agriculteur doit vous donner le nom des produits si vous lui en faites la demande. Vous pouvez essayer de demander le cahier d’épandages aux coopératives ou aux DRAAF.
Écoles, crèches, hôpitaux … quelles protections?
Existe-t-il des mesures de protection des lieux qui accueillent des populations vulnérables ? Oui, mais ces mesures ne sont pas suffisantes pour garantir un haut niveau de protection des populations ! La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) votée en 2014 introduit de nouveaux éléments sur les lieux qui accueillent des populations dites vulnérables.
En effet en avril 2014, des enfants de l’école de Villeneuve sur Blaye subissaient les désagréments de pulvérisation de pesticides de synthèse. Fin mai 2014 (alors que la Loi d’Avenir Agricole était en discussion) la ministre de l’écologie, Ségolène Royal déclarait qu’elle allait annoncer « très prochainement », avec son collègue de l’Agriculture Stéphane Le Foll, une interdiction la pulvérisation de produits phytosanitaires « à moins de 200 mètres des écoles ». Cet objectif annoncé n’a pas été obtenu …
Ce qui est inscrit dans le code rural suite à la LAAF
Article L253-7-1 (Modifié par ORDONNANCE n°2015-616 du 4 juin 2015 – art. 6)
A l’exclusion des produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l’autorité administrative :
1° L’utilisation des produits mentionnés à l’article L. 253-1 est interdite dans les cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l’enceinte des établissements scolaires, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l’enceinte des crèches, des haltes garderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ;
2° L’utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 à proximité des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi qu’à proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave est subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, l’autorité administrative détermine une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d’utiliser ces produits à proximité de ces lieux. En cas de nouvelle construction d’un établissement mentionné au présent article à proximité d’exploitations agricoles, le porteur de projet prend en compte la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique. Les conditions d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.
Arrêté du 10 mars 2016 déterminant les phrases de risque visées au premier alinéa de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime. Article 1 Les phrases de risques visées au premier alinéa de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime sont les suivantes :- R50, R51, R52, R53, R54, R55, R56, R57, R58, R59 (classification selon l’arrêté du 9 novembre 2004) ;- H400, H410, H411, H412, H413, EUH059 (classification selon le règlement [CE] n° 1272/2008).
Arrêtés préfectoraux
Les arrêtés préfectoraux fixant les mesures destinées à préserver lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables au risque d’exposition aux produits phytopharmaceutiques.
Comme évoqué ci-dessus , l’article 53 de la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, a introduit, à l’article L.253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, des dispositions nouvelles qui subordonnent l’application des produits de traitement à proximité des lieux sensibles à la mise en place de mesures dédiées afin de protéger les personnes vulnérables lors de l’application de produits phytosanitaires. En l’absence de telles mesures ou lorsqu’elles ne sont pas adaptées à la situation locale, les préfets pouvaient imposer une distance en deçà de laquelle il n’est pas possible d’appliquer le produit ou d’autres dispositifs spécifiques, mais globalement rien de très protecteur. Malgré tout il est important d’en prendre connaissance pour savoir quels sont les obligations des agriculteurs lors de l’épandage des pesticides à proximité des lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables.
A notre connaissance, tous les préfets n’ont pas pris d’arrêté et se sont donc contenté d’appliquer l’arrêté ministériel.
Nous avons établi une carte qui montre les préfets qui ont pris des arrêtés préfectoraux:
Exemple résumé de l’arrêté préfectoral pour le département de la Gironde
Ce département se caractérise par un fort développement urbain ces dernières décennies, qui a généré une multiplication d’implantations de sites accueillant des personnes vulnérables visées par l’article L 253-7-1 du code rural à proximité immédiate des zones agricoles. Pour un nombre important d’établissements d’enseignement ou accueillant des personnes vulnérables implantés à proximité immédiate de parcelles agricoles, notamment viticoles, le préfet reconnaissait dans une note que « les mesures attendues telles que visées à l’article L 253-7-1 du CRPM ne sont pas réunies » et que, dans ces zones les épandages de pesticides étaient très fréquents (l’indice de fréquence de traitement sur les vignes est de 13 traitements en moyenne par an). Dans ce contexte, le préfet avait décidé de prendre des mesures, que nous pensions fortes mais qui elles aussi se sont révélées insuffisantes. En effet, le préfet a interdit les pulvérisations à certains heures (sur des temps courts)… pour certains produits et sur certaines distances (20 ou 50m) en fonction des cultures mais aussi du matériel d’épandage utilisé par l’agriculteur… bref rien de très probant !
Quid des pulvérisations aériennes?
La directive européenne 2009/128 CE prévoit que « Les États membres veillent à ce que la pulvérisation aérienne soit interdite » (Article 9). En France, c’est l’ordonnance n° 2011-840 du 15 juillet 2011 qui fixe cette interdiction ainsi que l’arrêté du 19 septembre 2014 avec interdiction de traiter à moins de 50 m des habitations.
Cependant et malheureusement, cet arrêté ne l’interdit pas expressément et octroie des dérogations (vigne, riz), mais il est la preuve d’avancées en la matière. En outre, l’obligation d’information encadre ces dérogations.
Attention: Dans le cadre des discussions sur la loi issue des EGA débattue en juin 2018, des députés ont déposé un amendement soutenu par le Gouvernement visant à ré-autoriser la pulvérisation aérienne. A suivre donc!
Quid de la protection des abeilles et autres pollinisateurs ?
En vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, les traitements réalisés au moyen d’insecticides et d’acaricides sont interdits durant toute la période de floraison et, pendant la période de production d’exsudats, quels que soient les produits et l’appareil applicateur utilisés, sur tous les peuplements forestiers et toutes les cultures visitées par ces insectes (référence : arrêté du 28 novembre 2003).
Et en ville, que dit la réglementation ?
Après la sortie en 2012 du rapport d’information « Pesticides : vers le risque zéro » de la mission sénatoriale, le sénateur Joël Labbé (EELV) a réussi à faire voter le 23 janvier 2014 une loi (n° 2014-110 du 6 février 2014) visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national et qui prévoit que :
Article 1 : « Il est interdit aux personnes publiques d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques (sauf produits de bio contrôle figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, produits à faible risque et produits biologiques) pour l’entretien des espaces verts » dès le 1er janvier 2017.
Article 2 : « La mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des pesticides pour un usage non professionnel sont interdites » dès le 1er janvier 2019.
Cet article provient du site : « victimes-pesticides.fr »