Les parcs éoliens de nombreux pays européens sont en pleine expansion actuellement. Cette augmentation n’est pas sans conséquence pour l’avifaunne : collision, déplacement à cause des dérangements, effet de barrière ou perte d’habitats. Les différentes conséquences sont ainsi détaillées.
Les parcs éoliens de nombreux pays européens sont en pleine expansion actuellement. Cette augmentation résulte de la volonté des pays de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre qui sont reconnus comme la principale cause anthropique du réchauffement climatique. Le passage à des sources d’énergies renouvelables devrait ainsi permettre de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois l’augmentation importante des éoliennes dans nos paysages n’est pas sans conséquence pour la faune, et notamment l’avifaune.
Les parcs éoliens doivent pour être efficace se situer dans les milieux ouverts les plus exposés aux vents. Les contraintes de localisation terrestres des éoliennes sont nombreuses : une localisation en adéquation avec la ressource éolienne, prenant en compte l’impact visuel sur le paysage, considérant l’aviation civile et militaire, les champs électromagnétiques, l’hydrologie, l’écologie et l’archéologie. De plus, les éoliennes sont généralement construites dans des zones à faible valeur immobilière en raison de leur proximité avec l’immobilier résidentiel. Ces éléments ont inévitablement favorisé le développement des éoliennes dans des zones telles que les zones côtières, extracôtières ou dans les montagnes. Ces zones ont une population humaine souvent plus faibles que les autres, limitant ainsi l’impact pour l’homme, mais créant par exemple un conflit avec la conservation des espèces d’oiseaux rares et menacés. Ceci est en effet susceptible d’affecter les habitats nécessaires pour la reproduction, l’hivernage et la migration de nombreuses espèces d’oiseaux. L’impact des éoliennes sur l’avifaune est très variable et dépend notamment : du type d’éoliennes, de la topographie des lieux, des habitats présents, et enfin des espèces présentes et de leurs effectifs. Les impacts peuvent être multiples : fragmentation des habitats, réduction des territoires mais le principal impact reste la collision.
On considère souvent les effets négatifs des éoliennes sur l’avifaune résultant uniquement de l’exploitation de ces dernières mais il faut également considérer les impacts divers lors de la construction du site (bruit, dégradation du milieu,…) ainsi que pendant l’entretien et la réparation du parc éolien, l’augmentation du dérangement lié à la construction d’une route ou d’une piste permettant l’accès au parc (la présence d’une piste entraîne l’augmentation de la fréquentation humaine).
Les collisions
Mortalité par collision
La mortalité par collision peut se traduire non seulement par des collisions avec les rotors mais aussi avec des tours, des nacelles, des câbles ou encore des lignes électriques. Des oiseaux ont déjà été observés entrain d’être projetés vers le sol par le tourbillon provoqué par le déplacement des rotors. La mortalité de certaines espèces peut avoir des conséquences importantes, notamment lorsqu’elle concerne des espèces ayant une durée de vie longue avec une faible production annuelle et une maturité sexuelle tardive. Il pourrait ainsi y avoir des conséquences à l’échelle locale, régionale voire internationale s’il s’agit d’espèces menacées.
Risques de collision
Le risque de collision dépend d’un grand nombre de facteurs liés à l’espèce d’oiseau (effectif, éthologie,…), aux conditions climatiques, à la topographie et enfin au type de parcs éoliens.
Le risque de collision est ainsi plus important dans les zones fréquemment utilisées par l’avifaune que ce soit comme zone de repos ou d’alimentation mais aussi comme couloirs de migration. D’autres facteurs sont susceptibles d’augmenter le risque comme la taille de l’oiseau et son agilité en vol (un oiseau de grande taille est ainsi plus exposé au risque de collusion avec les structures qu’un oiseau de petite taille), la période d’activité (une espèce volant à l’aube ou au crépuscule, voire de nuit, a potentiellement moins de chance de détecter les installations qu’une espèce diurne). Au sein d’une espèce, le risque peut également varier en fonction de l’âge, du comportement de l’oiseau ou du cycle de reproduction.
Lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises et que la visibilité est diminuée par le brouillard ou la pluie, le risque de collision avec les structures augmentent. Toutefois cet effet est compensé par l’activité moindre des oiseaux dans de telles conditions, mais lorsque des individus sont en migration ils ne peuvent échapper aux modifications climatiques et sont donc exposés aux risques de collision.
La taille et l’alignement des turbines et du rotor sont susceptibles d’influer sur le risque de collision. De plus, la présence de voyants d’alarme sur les turbines destinés à l’aviation et aux transports maritimes peut augmenter le risque de collision en attirant et désorientant les oiseaux. L’effet de la lumière dans ces circonstances est mal connu.
Taux de collision
Les taux de collision avec les éoliennes retrouvées dans la documentation varient entre 0,01 à 23 collisions d’oiseaux chaque année par éolienne. Ce taux doit être pris avec précaution car un certain nombre de cadavres aurait pu être omis (détritivores…).
Les taux de collision les plus élevés concernent principalement des rapaces. Ces cas sont très préoccupants car ils concernent principalement des espèces relativement rares, qui sont de plus longévives avec une production annuelle faible comme le Vautour fauve (Gyps fulvus) ou encore l’Aigle royal (Aquila chrysaetos). On estime ainsi qu’à Navarre, plus de 75 aigles royaux et 400 vautours fauves sont tués chaque année par collision avec les turbines.
Déplacement des oiseaux
Les oiseaux vivant au niveau ou à proximité des parcs éoliens peuvent être amenés à se déplacer. Ce déplacement peut avoir lieu soit pendant la construction soit plus tard lors de l’exploitation des éoliennes, et être causé par la présence des turbines (impact visuel ou auditif, vibrations, mouvements accrus de véhicules ou de personnels). L’ampleur du déplacement varie selon le site concerné et selon les espèces d’oiseaux présentes.
La distance d’impact généralement observée autour de laquelle on retrouve moins d’oiseaux est de 600 m autour du parc éolien pour les zones d’alimentation. La distance d’impact semble être inférieure en ce qui concerne la nidification. Ces faibles distances pourraient s’expliquer par la fidélité aux sites reproducteurs des individus déjà présents. Le véritable impact devrait être révélé sur le long terme lorsque de nouveaux oiseaux remplaceront les nicheurs actuels.
Différentes études sur le sujet montrent que l’ampleur de la perturbation causée par les fermes éoliennes varie considérablement. Cette variation est susceptible de dépendre d’un large éventail de facteurs, y compris les variations saisonnières et diurnes des modes d’utilisation par les oiseaux, de l’emplacement des fermes par rapport aux habitats importants, de la disponibilité d’autres habitats et peut-être aussi des turbines et de leurs spécifications.
Les réactions comportementales varient non seulement entre les différentes espèces, mais aussi entre les individus de la même espèce, en fonction de facteurs comme le stade du cycle de vie (hivernage, reproduction,…), des effectifs et du degré d’habituation.
Ainsi plusieurs études ont montré qu’il n’y avait pas de déplacements significatifs chez les rapaces, et notamment chez l’Aigle royal (Aquila chrysaetos) après la construction d’un parc éolien. En effet, la construction d’un tel parc entraîne souvent l’ouverture du milieu qui est favorable au développement des proies de nombreux rapaces. Ces derniers ne sont donc pas repoussés par les éoliennes lorsque la zone est un territoire d’alimentation du fait de l’augmentation des ressources. Toutefois la conclusion semble moins évidente, et doit encore être étudiée, concernant les sites de reproduction.
L’absence de déplacement des rapaces en présence d’un parc éolien augmente donc leur vulnérabilité au risque de collision. Généralement un oiseau subissant les conséquences du déplacement ne sera donc pas soumis également au risque de mortalité par collision, et inversement un oiseau déplacé suite à la construction du parc ne devrait pas être menacé par le risque de collision.
Effet de barrière
La présence de parcs éoliens peut provoquer une modification des voies de migration ou des trajectoires entre les différents habitats. Ce déplacement est susceptible d’engendrer des dépenses d’énergies supplémentaires lorsque les oiseaux doivent s’éloigner afin d’éviter les turbines. L’impact dépend des espèces concernées, de la hauteur du vol, de la distance aux turbines, de l’heure de la journée, de la force et de la direction du vent.
La littérature suggère que les parcs éoliens auraient peu d’impacts sur les voies migratoires. Toutefois il existerait un impact plus important sur les trajets quotidiens des oiseaux entre les zones de nidification et d’alimentation, ou lorsque plusieurs parcs éoliens interagissent cumulativement pour créer une vaste barrière de plusieurs dizaines de kilomètres détournant sensiblement le trajet, et augmentant ainsi les dépenses énergétiques.
Perte et changement des habitats
L’importance de la perte d’habitats liée à la construction d’un parc éolien dépend principalement de la taille du projet. Généralement la perte d’habitats réelle est de l’ordre de 2 à 5 % de la superficie dévolue au projet. Des modifications d’habitats suite au changement d’utilisation des terres ou des fonds marins peuvent également avoir lieu. Actuellement, il y a beaucoup d’incertitude sur l’ampleur et la nature des modifications. Toutefois on ne peut exclure la possibilité de changement bénéfique comme ce fut le cas en Californie où la construction d’un parc éolien a conduit à une augmentation de la disponibilité en mammifères (grâce à une augmentation du nombre de terriers), et de ce fait une augmentation des proies pour certaines espèces de rapaces. Mais ceci peut également conduire à une augmentation des collisions de rapaces sur les turbines situées à proximité.
La construction de plateformes offshore pourrait causer des pertes d’habitats dans les zones terrestres (via les transformateurs) mais aussi sur les habitats marins par la construction de fondations pour les turbines. Ces constructions peuvent également conduire à une modification de la turbidité (suite à l’interaction entre les bases de la turbine et les courants de marée qui provoquent une augmentation des fonds marins). Cette modification de la turbidité associée aux vibrations de la turbine pourraient influer sur la distribution des poissons et indirectement sur l’avifaune piscivore.
Conclusion
Le développement de l’énergie éolienne est un facteur essentiel à l’échelle de l’Europe dans l’objectif d’augmenter la proportion d’énergie renouvelable, permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois cette source d’énergie n’est elle-même pas sans impact sur l’environnement, et son développement actuel peut avoir des conséquences importantes si l’impact n’est pas pris en compte.
Une des principales préoccupations sur l’impact potentiel des parcs éoliens est leur impact sur l’avifaune mais aussi sur les chauves-souris. Un impact significatif peut avoir lieu si la localisation des parcs s’avère inappropriée, il se traduit essentiellement par les collisions, les déplacements, les effets de barrière ou encore la perte d’habitats. Les implications potentielles des éoliennes pour les oiseaux sont d’autant plus préoccupantes si l’on considère l’ampleur des propositions actuelles. L’interaction entre les différents parcs éoliens pourrait avoir un effet cumulatif sur les populations d’oiseaux.
Ainsi il est nécessaire autant que possible d’éviter la construction d’éoliennes dans les territoires à forte concentration d’oiseaux, et d’autant plus lorsqu’ils abritent des espèces vulnérables.
Bibliographie
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